Slow Listening, un « faux » nouveau concept autour de l’écoute de musique
Avec la dématérialisation de la musique due à l’apparition du digital, le comportement des consommateurs a considérablement évolué: la musique est devenue mobile, omniprésente, surabondante, copiable et stockable presque à l’infini. Dans ce contexte où le mode d’écoute est unitaire, rapide et aléatoire, s’est développé le slow listening. Terme qui peut sembler pompeux et conceptuel. Avec une société toujours plus rapide, cela s’apparente à un retour aux sources, qui s’inscrit dans un processus actif. C’est ainsi que je souhaitais aborder le sujet, en opposition à l’environnement digital qui a fait diminuer la valeur symbolique de la musique.
Le slow listening peut être mis en synergie avec le « Slow movement ». On retiendra les caractéristiques du concept:
– Ecouter un album en entier: prendre le temps de rentrer dans l’univers d’un groupe, et se laisser guider par l’enchaînement des titres.
– Se réserver des plages horaires dédiées à l’écoute de musique: une manière de « décrocher » de la vie quotidienne et de concentrer son attention sur la musique.
– Avoir un système audio de qualité: permet de saisir la subtilité des compositions, d’être englobé par la musique et de plonger dedans, sans aucun « parasitage ». On ne se servira pas des enceintes de PC portable ou de smartphone. Casques audio haut de gamme, platines vinyles/CD de qualité, salle consacrée à l’écoute, hamac dans un jardin au calme en dégustant une bière… Chacun peut être adepte du slow listening selon ses moyens et ses envies. Certains refusent complètement les formats digitaux et restent au format physique.
Finalement, on constate que le concept du slow listening n’est en rien innovant. A la limite de la nostalgie. Ce n’est ni plus ni moins que du bon sens quand à comment écouter la musique. C’est très représentatif d’un mode de vie actuel: qui y a-t-il de « slow » dans le fait d’écouter tranquillement un album en entier?
Le slow listening a clairement un rapport avec le retour à un support physique.
En exemple les ventes de vinyles qui augmentent chaque année. Le fait de changer la face du vinyle, de rembobiner la cassette, lire le livret d’un CD pendant l’écoute (le CD restant « le moins slow listening » des supports physiques)… Il y a un aspect ludique et interactif. On entre en contact avec un objet musical concret, ce qui éveille une sensation d’appartenance et de possession, chose (quasi) impossible en digital.
La dématérialisation de la musique a fait oublier qu’un album, c’est aussi un packaging. Les auditeurs ont en moyenne 550 morceaux dans leurs lecteurs, et n’en écoutent que 20%. Le digital a créé une espèce d’euphorie impulsive où l’on peut tout avoir en 1 clic.
Slow listening, seulement un terme
Chacun est mélomane à sa manière, et n’a pas le même engagement vis à vis de la musique. L’écoute, c’est prendre le temps d’apprécier, pour mieux s’imprégner d’une œuvre, la ressentir, l’analyser, la comprendre. La musique est un bien qui se consomme avec attention. Par exemple, utiliser son baladeur dans des lieux publics et bruyants est devenu assez mécanique. Du matériel haut de gamme permet de se mettre dans sa bulle. Mais combien de personnes veulent (peuvent) se payer un casque entre 250 et 400 euros? Aux Etats-Unis, on remarque que la demande de casque au delà de 75 euros est en augmentation; c’est représentatif d’une recherche de qualité. Mais la plupart des personnes sont encore équipées d’oreillettes, et dans ce cas l’écoute est un passe temps. La perception de la musique n’en est que plus faussée. Autant faire autre chose. Un album de Pink Floyd écouté dans le métro ne procurera pas le même effet que dans une pièce fermée. Plaisir et expérience avant tout, et ce n’est pas un concept! Pour finir on notera que la qualité audio est de plus en plus privilégiée dans l’environnement digital: plateformes de musique en ligne spécialisées dans la haute-définition (formats Flac, Alac, Ogg… loin de la compression du mp3), équipements audio 24 bits (du baladeur à la chaîne hi-fi). Ce sont des standards qui tendent à se démocratiser. Ils offrent une meilleure restitution de l’enregistrement original, à condition qu’il soit bon. Le slow listening (appelez-le comme vous voulez) est bien synonyme de tout cela: la qualité à la place de la quantité.
Pour ceux qui lisent l’anglais, il est recommandé d’aller faire un tour sur cet excellent blog: How do you listen music.