Quelles autorisations faut-il pour enregistrer un disque de reprises ?
France Gall est assez explicite sur le disque de reprises de ses chansons sorti en 2013 par Jenifer : «Ca m'énerve», a-t-elle expliqué dans une interview.
Selon la chanteuse, l'album a été «réalisé en secret, sans mon accord». Ce qui est ... tout à fait légal, comme nous l'explique Sébastien Aguerre, avocat intervenant dans le droit de la musique et de l'édition.
Un artiste peut-il s’opposer à la reprise d’un de ses titres ?
Quand un auteur-compositeur crée une chanson, il la dépose en gestion collective à la Sacem (Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique), mandatée pour la gestion des droits, l'exploitation et la reproduction du titre. L'une des fililales de la Sacem, la SDRM (Société pour l'admnistration du droit de reproduction mécanique) autorise la reproduction mécanique, c'est-à-dire le droit de reproduire le titre sur un support. L'œuvre est alors inscrite dans le registre de la Sacem, et tout le monde est libre de la reprendre à l'identique, l'auteur-compositeur n'a aucun moyen de s'y opposer. Dans le cas de France Gall, elle est interprète de ses chansons, mais pas auteur-compositeur. Elle a donc des droits sur l'enregistrement du morceau original, mais aucun sur les reprises.
Quand un auteur-compositeur peut-il faire valoir ses droits sur une chanson ?
Pour qu'un auteur puisse s'opposer à la reprise d'une chanson, il faut que celle-ci ait été substantiellement altérée, déformée. Si la reprise conserve les mêmes paroles, les mêmes enchaînements, la même ligne musicale, l'auteur ne pourra rien faire. Tant que la modification ne concerne que des arrangements, une guitare à la place d'un piano ou un rythme sensiblement plus lent par exemple, la reprise est jugée à l'identique, et l'auteur ne peut rien faire.
Si au contraire, les paroles ont été détournées, ou que la chanson originelle a été mixée avec un autre titre, l'accord de l'auteur est indispensable pour que le disque puisse sortir.
L’interprète d’origine touche-t-il des droits ?
Non, l'interprète n'a des droits que sur l'enregistrement. France Gall par exemple ne percevra rien sur l'album de Jenifer. Seuls l'auteur et le compositeur touchent des droits pour une reprise à l'identique.
Ce principe est-il propre aux Français, ou s'applique-t-il aussi aux artistes étrangers ?
Ce principe s'applique également aux artistes étrangers. La chanteuse Lise a par exemple repris un titre de 50 Cent au piano et à la voix, et le rappeur n'a pas eu à donner son accord, la reprise était légale.
Si vous voulez faire un album de reprises des Rolling Stones, tant que vous respectez l'œuvre, rien ne vous en empêche.
Qu'en est-il des samples, très utilisés dans le rap et l'electro ?
Dans ce cas, c'est un extrait original de l'œuvre qui est utilisé, coupé et inséré dans un autre morceau. Le musicien qui souhaite utiliser cet extrait devra obtenir l'accord de l'auteur-compositeur, du producteur, qui devra lui-même demander l'accord de l'interprète, et de l'éditeur. Bref tout le monde devra accepter. Actuellement, beaucoup de ces accords se font a posteriori, une fois que le morceau est déjà sorti. C'est le même principe pour la synchronisation, c'est à dire l'utilisation d'une chanson dans une publicité ou dans un film. Tout le monde, du producteur à l'auteur-compositeur en passant par l'interprète, devra donner son accord.